The Fabelmans : critique d'un retour aux sources pour Steven Spielberg (2024)

Films

Par Mathieu Victor-Pujebet

20 février 2023

MAJ : 13 octobre 2023

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Aprèsson spectaculaireReady Player Oneetson sublime remake deWest Side Story, le légendaireSteven Spielbergprolonge son retour aux sources cinématographiques avec l’autobiographiqueThe Fabelmans. L’histoire est celle des premiers émois filmiques de Sammy Fabelman, un jeune garçon qui rêve de devenir réalisateur.Gabriel LaBelle,Michelle Williams,Paul DanoetSeth Rogense réunissent devant la caméra de l’immense cinéaste derrièreJurassic ParketLes Dents de la mer, pour un nouveau bijou bouleversant.

The Fabelmans : critique d'un retour aux sources pour Steven Spielberg (4)

Still the player one

Steven Spielberg fait partie de ces quelques grands cinéastes, avec Michael Mann et David Lynch, à ne pas avoir perdu avec le temps un brin de la vivacité et de la fougue de sa mise en scène. Si les spectaculaires et virtuosesReady Player One,Pentagon PapersetWest Side Storyen ont étéd’éclatantstémoins, The Fabelmans ne fait pas exception à la règle. Filmage aérien, transitions musicales fluides, montage rythmé et ellipses astucieuses viennent cadencer un récit et une réalisation d’une limpidité toujours aussi impressionnante de la part du cinéaste.

Comme quasiment tout film de Steven Spielberg, The Fabelmans accueille son spectateur avec une évidence et une virtuosité discrète folle, faisantde son récit undivertissem*nt vif et stimulant. Un spectacle traversé de dialogues amusants et de situations comiques réjouissantes qui rappellent le talenthumoristiquedu cinéaste. En témoigneune galerie de personnages hauts en couleur très drôles comme le grand onclepassionnéetla petite copine très (très) croyante.

Un récit familial d’une belle délicatesse

Des protagonistes qui ne servent d’ailleurs pas que de ressort comique puisque derrière leur extravagance se cachent systématiquement une tendresse et une jolie sensibilité. Même les personnages de Chad et Logan s’avèrent plus sensibles et nuancés que ce que leur simple archétype de brute beau-gossepourraitle laisser entendre. The Fabelmans est doncun divertissem*nt drôle, tendre etconstamment stimulant, par ailleurs incarné par un casting particulièrement vivant.

Malgré ses 75 ans et ses bientôt 40 longs-métrages, Steven Spielberg conserve toujours l’exigence de mettre en avant de jeunes comédiens qui ne se sont pas encore, ou qui commencent à peine, à s’imposer à Hollywood. C’est notamment le cas deSam Rechnerqui donne une jolie densité à son rôle archétypal de Logan,Chloe East qui est à la fois drôle et touchante enMonica Sherwood, et bien sûrGabriel LaBelle qui brille en Sam adolescent et jeune adulte.

Tout ce joli mondeinsuffle une belle énergieàThe Fabelmans,qui est aussi augmenté parl’en train des codes du teen movie, àgrands coups dedécouverte de l’amour, de joyeuses bandes de potes et des méchants caïds du lycée. Le scénario signé Steven Spielberg etTony Kushner s’empare de la structure, en apparence classique, du film d’adolescent,mais en l’exécutantavec unehabilité et une sincéritéqui renddifficile de résister au plaisir d’écriture et de mise en scène qu’est The Fabelmans.

L’Hommeà la caméra

Once Upon a Time… in Hollywood

Un travail d’orfèvre qui n’est cependant jamais gratuit, Steven Spielberg parvenant une nouvelle fois à associer avec virtuosité une mise en scène organique à un geste théorique beau et touchant. En effet, à travers d’élégants jeux d’ombres, de superbes jets de lumières et demalicieusessurimpressions, The Fabelmans vient rendre un joli hommage plastique au cinéma.

L’utilisation de toutce champ lexical de l’image projetée rend cette déclaration d’amour d’autant plus touchante et délicate, en plus d’être techniquement virtuose et parfaitement stimulante visuellement. Une tendressebien incarnée par une poignée d’images sensibles et poétiques, comme celle d’un enfant émerveillé/terrifié face à son premier écran de cinéma, ou celle de la lumière d’un projecteur qui débordedesmains d’un personnage jusqu’à l’entrebâillement d’une porte fermée.

The Fabelmans : critique d'un retour aux sources pour Steven Spielberg (7)Hommage au septième art

Durant toute une première partie du récit, Steven Spielberg met sa créativité au service de la découverte du cinéma par son protagoniste. Un geste empli de tendresse et de délicatesse qui est particulièrement incarné lorsque le cinéaste met en scène son personnage en train demanipuler de la pellicule sur ses bandes de montage ou en train de s’exalter à filmer tout et n’importe quoi.

La débrouillardise et la créativité de Sam fait d’ailleurs écho à celle de Spielberg lui-même, lui qui a fait partie des quelques réalisateurs à avoir (ré)inventerdiverses techniques filmiques pour mieux servir ses histoires et sa mise en scène. En filmant avec énergie et passion les balbutiements d’un jeune cinéphile qui fabrique ses premières oeuvres en trouant de la pellicule ou en recouvrant ses acteurs de papier toilette, Steven Spielberg retourne aux sources de sonpropre art et rend un hommage bouleversant à l’artisanat cinématographique.

Le cinéaste qui nous a terrifiés avecsimplementune voiture, un comédien et un camion dans Duel, et qui a rendu le monde entiersqualophobiquesans presquejamais montrerle requindesDents de la mer, rappelle alors qu’il ne suffit que d’une caméra et d’un peu d’ingéniosité pour vraiment créer.La sincérité et lapassionde Steven Spielbergcontaminent alors The Fabelmans d’une délicatesse et d’une sensibilité vraiment touchante.

Retour aux sources pour la légende Spielberg

The Dark Side of the Moon

Cependant, le film ne tombejamaisdans une forme de mièvrerie ou d’admiration hyperbolique. La joie et l’exaltation de la découverte du cinéma par Sam vont même être confrontées à la violence du monde, entre l’antisémitisme des lycéens californiens, la fragilité du couple parental et la difficulté d’imposer leseptième art comme une véritable passion. The Fabelmans déploie alors une très jolie forme d’amertume qui contraste avec la candeur et l’incandescence de sa première partie.

Cettemélancolietouche tout particulièrement lesparentsde la familleFabelman, brillamment interprétés parMichelle Williams et Paul Dano, qui livrent tous deux une partition d’une très belle fragilité et ambiguïté. Tout au long du film, Sam va être initié à la noirceur du monde, la plupart du temps à travers le médium cinématographique en lui-même. C’est notamment le cas lorsqu’il découvre l’intime secret de sa mère en montant un film de vacances en famille.

Après avoir admisque le cinéma peut recréer une image vécue ou imaginée, Samcomprend que la caméra peut également révélerla véritéau sein même du réel. Une découverte qui se révèle terrifiante pour le protagoniste qui prend aussitôt conscience de l’importance des images qu’il fabrique. De la réjouissance des balbutiements, The Fabelmans passe alors à une très belle inquiétude centrée sur la dangerosité des images qu’on capte/peut capter.

«Au clin d’oeil, préférer le regard.»

En témoigne le dernier mouvement du film où Sam filme le personnage de Logan, le beau gosse du lycée qui le harcèle depuis son arrivée en Californie, comme un impressionnant héros herculéen. Sam dissimule, volontairement ou non, la noirceur et l’antisémitisme du personnagederrière le vernis de la performance sportive et du culte du corps.

À travers tout cet arc final du film, Steven Spielberg complète ainsi l’initiation deson protagonisteen rappelant que si l’on peut reproduire le réel avec une caméra et trouver la vérité dans l’image, le cinéma peut aussi manipuler et altérer le mondequi nous entoure afin decréer sa propre vérité. The Fabelmans se retrouve alors comme hanté par la responsabilité des images qu’on filme et par la façon de les filmer. On y découvre un Steven Spielbergcomme terrifié par ce qu’il est possible de faire avec une image, doublant le film d’une très belle lucidité et d’une certaine âpreté.

Malgré tout, l’arc du film de lycée se conclut sur une véritable altération du réel, rappelant que les images fabriquées du grand écran peuvent tout de même avoir un impact positif sur le vrai monde. Si une grande et belle inquiétude parcourtle dernier film réalisé par Steven Spielberg, c’est aussi un profond et bel espoir en l’image et au septième art qui en ressort.

Rédacteurs :

Mathieu Victor-Pujebet

Résumé

Derrière l'émerveillement dece retour aux sources et la générosité de cevirtuose divertissem*nt, Steven Spielberg livre un film profondément inquiet et bouleversant sur la force créatrice, mais aussi destructrice du cinéma.

Autres avis

  • Alexandre Janowiak

    Plus qu'avec son drame familial assez classique, The Fabelmans impressionne surtout quand Spielberg raconte le pouvoir de l'image, capable de révéler la vérité, déformer la réalité, corrompre le souvenir ou ouvrir nos horizons. Une origin story drôle et humble d'un amour du cinéma, par le cinéma.

  • Lino Cassinat

    Paul Dano et Michelle Williams sont incroyables, et The Fabelmans a ses fulgurances. Cependant tout cela n'empêche pas le film de rejoindre la cohorte des petit* curés modernes du cinéma et de patauger dans une parabole usante. Pas le pire témoin de Jéhovah à tambouriner à la porte, mais pour la prochaine lettre d'amour au cinéma, un sms suffira.

Tout savoir sur The Fabelmans

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The Fabelmans : critique d'un retour aux sources pour Steven Spielberg (25)

Tar

il y a 8 mois

C’est pas tous les jours !
Quel plaisir d admirer le travail de ce génie.
«La cohorte de petit* cures modernes» merci de m’expliquer, le propos juif?

Répondre

The Fabelmans : critique d'un retour aux sources pour Steven Spielberg (26)

Spharx

il y a 8 mois

En quoi Ready Player One est spectaculaire ?
C’est juste un long et inintéressant «t’as la réf pop culture ?»
C’est du même niveau qu’un marvel ou un fast and furious mais avec des acteurs oubliable.

Répondre

The Fabelmans : critique d'un retour aux sources pour Steven Spielberg (27)

Chris

il y a 1 année

Très beau film.
Très émouvant de voir la naissance d’un grand réalisateur, en sachant que c’est la «propre» histoire de Spielberg.
Une belle déclaration d’amour au cinéma.

J’ai l’impression qu’il y a de nombreux clins d’œil à sa filmographie ou ses productions, lesquels avez-vous repérez ?
De mon côté toute la séquence du bal de promo rappelant celle de Retour vers le Futur, avec la scène dans la voiture, la mise en place du bal avec une mise en scène presque à l’identique de la «Féerie dansante des sirènes». Le petit ouistiti, …

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SWfever

il y a 1 année

Mais où est passée la Ranchero?

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The Fabelmans : critique d'un retour aux sources pour Steven Spielberg (29)

Kyle Reese

il y a 1 année

Très joli film sur Steven, par Spielberg, mon ex dieu du cinéma dans les années 80.
J’aime beaucoup ce retour à l’intime et la fausse simplicité du film. Les acteurs sont parfaits, et j’ai vu tout du long Steven Spielberg à la place de Sam ce qui est assez étrange mais montre le talent du jeune acteur et celui toujours aussi fort du réalisateur pour diriger les enfants/ados.
Une belle surprise. Le message du film, comme le dit la mère de Sam, suivre son cœur ou qu’il nous mène pour éviter de vivre dans le mensonge et les regrets. Le cœur a ses raisons que la raisons ignore … ^^

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